A 2h05 du matin, le régulateur de la station de sauvetage SNSM de Saint-Martin reçoit un appel du CROSS-AG (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage aux Antilles et en Guyane) pour un bateau en train de couler au large de la Baie de Marigot avec une soixantaine (!!!) de migrants à bord.
Ces migrants ont alerté eux-mêmes les secours avec leur portable, en appelant le SAMU qui a relayé l’appel au CROSS, car il s’agit d’une urgence en mer.
Soixante personnes à récupérer, ça en fait du monde ! La SNSM de Saint-Martin décide donc d'intervenir avec 2 équipes sur leur 2 moyens nautiques.
Le semi-rigide "Rescue Star" part en premier, avec 4 équipiers et une motopompe mobile, suivi 10 minutes plus tard par la vedette SNS 129, avec 5 équipiers.
Le CROSS n’a pas la position du navire en difficulté, mais il est en contact téléphonique avec une personne à bord qui affirme être “au large de la Baie de Marigot, à Saint Martin”.
Le bateau prend l’eau et il n’y a aucune lumière à bord. Pas de VHF, pas de pyrotechnie (fusées de détresse/ feux à main, etc.), pas de gilets de sauvetage, pas de sifflets, donc rien pour signaler leur emplacement en pleine nuit, sinon quelques téléphones portables qui marchent encore…!
Nos équipages sont donc sur le pont, avec leurs projecteurs de recherche et leurs jumelles thermiques, dans une course contre la montre, pour retrouver ce bateau en train de sombrer…
La vedette SNS 269 de Saint-Barthélemy est appelée en renfort, ainsi qu’un Metal Shark des Coast Guard du côté Hollandais et il y a donc 4 bateaux de sauvetage qui sillonnent la mer de Galisbay à la Baie aux Prunes. Sans succès…
Le CROSS nous met en conférence téléphonique avec les victimes ; un équipier de la SNSM parle parfaitement le Creole, mais les migrants ne parviennent pas à nous expliquer où ils se trouvent… D’abord la "Baie de Marigot” ; ensuite "peut-être un peu plus près du côté hollandais”… C’est la cacophonie à bord ; les gens sont paniqués ; on entend des pleurs et des prières ; ils disent qu’il y a des femmes et des enfants, que leur bateau coule et qu’il faut faire vite, car l’eau commence à monter...
Nous demandons s’ils voient nos gyrophares : négatif ! Nous envoyons une fusée parachute en Baie de Marigot pour savoir s’ils la voient : négatif ! Puis ils expliquent que le vent les rapproche de Saint-Martin, mais qu’ils sont échoués sur un récif... Du coup, ils seraient plutôt à l’Est de Saint-Martin.
Le CROSS demande alors au Metal Shark et à la SNS 269 de longer la côte vers le Sud et à la Rescue Star et à la SNS 129 de contourner l'île de Saint-Martin par le Nord. Près de l'île de Tintamarre, la Rescue Star percute une autre fusée de détresse, mais les migrants ne voient toujours rien ; ni fusée, ni gyrophare… La Rescue Star fait le tour de Tintamarre, tandis que la SNS 129 passe derrière Cay Verte et arrive à Oyster Pond où ils croisent la SNS 269 et le Metal Shark. Le tour de l’île a été bouclé mais toujours sans aucun signe du bateau qui coule….
Le CROSS demande à la SNS 269 de remonter vers Saint-Barth et de faire le tour de leur île aussi, au cas où les migrants se seraient trompés d’île et seraient échoués sur un récif de Saint-Barth. Le Metal Shark continue son tour de l’île de St. Martin et le CROSS demande à la Rescue Star et la SNS 129 de rester sur zone secteur Est. Il est alors 5h30 du matin et il fera jour dans peu de temps, en espérant que la lumière du jour nous aidera à les retrouver… Mais, quelques minutes plus tard, le CROSS nous appelle tous à la VHF, car le bateau à été localisé au lever du jour, bel et bien posé sur un récif… mais en GUADELOUPE !!!
Comment ont-ils pu imaginer qu’ils étaient déjà arrivés à Saint-Martin, en étant partis de la Dominique, île voisine de la Guadeloupe, alors qu’il y a plus de 450 km jusqu’à Saint-Martin ?
Fort heureusement leur bateau était bien posé sur la caye et ne coulait plus.
C’est finalement les stations SNSM et les gendarmes de Guadeloupe qui les ont sauvés en prenant en charge 64 migrants (52 hommes, 11 femmes et 1 enfant, de nationalité haïtienne, colombienne, vénézuélienne, et indienne). Une enquête est en cours.
Après plus de 3 heures de recherches autour de la mauvaise île, les équipiers bénévoles des stations SNSM de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sont rentrés à 6h30 à leurs ports d'attache respectifs. Juste le temps de prendre une douche avant de reprendre leurs activités professionnelles et d'entamer une semaine qui commence bien dur, après cette nuit blanche en mer, pour rien !