LETTRE OUVERTE AUX ELUS ET AUTORITES DE TUTELLE DE MON PAYS.

C'est avec grande tristesse et beaucoup de douleur que je m'adresse à vous en ces temps supposés être de fête, d'amour et de partage ... Vendredi soir, rentrant chez moi après une journée débutée si cruellement avec l'accident mortel de Cul de Sac, je me retrouvai en présence de mes petits enfants à assister à une scène qui aurait pu être considérée peut-être banale ou anodine si mon petit fils de 4 ans ne m'avait secouée par ses mots !
En effet, nous assistions en direct à une crise que les spécialistes qualifieraient d'hystérie mais que moi, je ressentais plutôt comme de grand désespoir et de souffrance !
Quotidiennement, nous côtoyons ces hommes et ces femmes que nous surnommons les « crackés » ou « crackheads » comme faisant partie du décor naturel de notre île ! Ils se sont si bien incrustés que rien ni personne ne semble venir bousculer les choses.
De tels personnages, me direz-vous ,il y en a partout , dans tous les pays ! Hélas , c'est vrai mais Saint-Martin est mon pays et je l'aime ! Depuis quelques mois, le nombre de sans domicile fixe ne cesse d'augmenter. Non seulement, des saint-martinois mais de plus en plus de métropolitains s'installent dans cette déchéance qu'est le monde des drogués !
Je me souviens d'avoir rencontré cette jeune femme aux yeux perçants, les cheveux étincelants à l'entrée d'un restaurant de la Marina faisant la manche car elle n'avait plus d'argent n'ayant plus de travail ! Quelques semaines , plus tard, la chevelure avait disparu et un foulard lui cachait les pustules surinfectées de son visage ! Et comme, bien d'autres, elle se trimballe entre Cole Bay et Marigot à la recherche de quelques « cailloux » qui puissent lui donner quelques instants de bonheur artificiel !
A l'heure où nous passons de magasins en magasins, de boutiques en boutiques, à la recherche du plus beau cadeau pour ceux et celles que nous aimons, que faisons-nous pour ces hommes et ces femmes perdus sans aucun espoir auquel se raccrocher ? Leur acheter à manger ? Les habiller ? Les envoyer au Manteau de Saint-Martin ? Sont-ce là les bonnes solutions ??? Je n'en suis pas si sûre !
C'est pour cela que j'ai décidé de m'adresser à nos élus et nos autorités de tutelle car mon pays est malade et il est temps de le soigner. Ce qui me chagrine le plus c'est bien le nombre de femmes sans cesse croissant s'installant dans la misère de la rue ! Je pense que quelque part en France, en Europe, une maman, un papa, un frère, une sœur, une grand-mère pleurent son être cher car ils ne savent où il s'est envolé ! Et pourtant les contrôles d'identité sont toujours d'actualité, n'est ce pas ? C'est vrai aussi que la réponse « Un adulte doit être consentant pour accepter de se sortir de la misère » me fascine toujours autant ! Comment un être humain ne possédant plus ses facultés mentales saines peut-il prendre une telle décision ?
Oui, nous avons nos saint-martinois « crackés » mais ils ont presque tous une attache familiale , un endroit où instinctivement ils peuvent se réfugier en cas de détresse extrême !
Faut-il attendre que ces femmes venues d'ailleurs meurent d'une overdose ou soient sauvagement assassinées pour essayer de les aider ?
Si le grand Charles Aznavour a chanté « que la misère serait moins pénible au soleil », il ne se doutait pas que ces maudits assassins que sont le crack, l'héroïne, la coke et que sais-je encore envahiraient nos cieux ensoleillés !! Ces belles affiches dans le métro oublient de mentionner qu'elles ne s'adressent qu'aux touristes et vacanciers venus passer deux ou trois semaines au soleil ! Saint-Martin n'est plus l'Eldorado d'antan ! Les plus belles rêveries ne deviennent vite que désillusions destructrices et ravageuses !
Je m'adresse à tous ceux et celles qui ont le POUVOIR de changer les choses en vous demandant de faire un geste envers ces femmes car un homme dans la rue c'est dur mais... une femme c'est mille fois plus pénible à supporter car nous avons tous une mère , une sœur , une fille dans notre vie que nous aimons à en mourir !
Rien de plus magnifique que ces lumières et guirlandes illuminées dans les rues de Marigot mais pourquoi vouloir illuminer une ville qui devient ,à la fermeture des magasins, une cour des miracles où ne règnent que souffrance et misère ?

Aline Choisy