Saint Martin et les 50 Pas du Roy.

Cet article fut écrit en grande partie pour un dossier intitulé "L'affaire de Sandy Ground" en mars 1980 dans la Revue bilingue COGITO de Saint Martin (1978-1980). Il s'agit de connaître l'histoire de cette île pour comprendre et finalement résoudre les problèmes qui empoisonnent notre vie quotidienne. Cela nécessite une prise de conscience de la population concernée et une volonté politique des élus.

La zone dite des "50 pas du Roy" fut instituée en 1704 par une ordonnance royale dans les Antilles françaises et autres colonies d'outre-mer pour des raisons de sécurité militaire et de défense côtière.

Que se passé-t-il à Saint-Martin à cette époque?

Saint-Martin subit ruines et désolation pendant toute la période des guerres maritimes et coloniales de la France (1672-1764, exactement 98 ans, ce qui a entravé considérablement son peuplement jusqu'en 1764.

  • Pendant la guerre de Hollande (1672-1678), Saint Martin était occupée par les Anglais. Les Français reprirent l'île à la Paix de Nimègue en 1678, bien qu'ils n'eussent pas les moyens d'assurer sa défense
  • C'est ainsi qu'au cours de la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1687-1697), les Français et les Anglais s'affrontèrent aux Antilles et en 1689 les habitants de Saint-Martin furent évacués sur Saint-Christophe, à l'exception bien sûr des Noirs. En 1687, on comptait sur l'île 720 Blancs, 278 Noirs et 1 Caraïbe libre. Ils n'y restèrent pas longtemps, car les Anglais s'emparèrent de Saint-Christophe en 1690 et ils durent regagner leur île. Saint-Christophe fut restituée à la France à la Paix de Ryswick en 1697, mais fut reprise par les Anglais en 1702.
  • En 1703, sous la guerre de Succession d'Espagne (1701-1713), le gouverneur hollandais de Saint-Eustache fit chasser les occupants français de Saint-Martin. L'île entière fut ainsi occupée par les Hollandais jusqu'en 1706, date à laquelle la partie nord de l'île fut reconquise par un corps expéditionnaire français.
  • De 1706 à 1744, Saint-Martin traverse une période de stabilité provisoire, quoique la France dût céder Saint-Christophe aux Anglais en 1713, la sécurité de Saint-Martin étant, de ce fait, menacée.
  • Mais en 1744, pendant la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), Saint-Martin fut repris par un petit détachement anglais venu d'Anguille. Les Français, réfugiés en partie hollandaise, furent livrés à l'ennemi et leurs bien pillés. Après chaque guerre les habitants colons de la partie hollandaise, ainsi que ceux de l'île anglaise d'Anguille, y construisirent des cabanes de paille pour leurs esclaves et y ouvrirent quelques défrichés. Les esclaves restaient l'élément humain permanent pendant ces périodes troubles. Saint-Christophe fut restituée à la France en 1748 au Traité d'Aix-la-Chapelle.
  • Pendant la guerre de Sept ans (1756-1763), Saint-Martin est à nouveau occupée par les Anglais d'Anguille. Au Traité de Paris en 1763, ni Saint-Martin, ni Saint- Barthélémy ne furent mentionnés.

Depuis 1674, Saint-Martin était réuni au domaine royal et rattaché au gouvernement de la Guadeloupe, mais l'autorité de la Guadeloupe ne s'y faisait pas sentir. En raison des dévastations pendant les guerres, il n'y eut pas de garnison sur l'île, ni de commandant de 1713 à 1763, c'est-à-dire pendant 50 ans.

C'est en 1763 que le gouvernement hollandaise proposa à l'Intendant de la Martinique d'acheter la partie f française pour cent mille piastres pour son propre compte, mais le gouverneur de la Guadeloupe fit demander aux Anglais de remettre l'île, ce qu'ils firent sans difficulté. A partir de juillet 1764, un commandant très énergique, M. Descoudrelles, est nommé directement par la Cour pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy.1

Les 50 pas du Roy ont été transformés en 50 pas géométriques, à savoir 81.20 mètres de large à partir du ravage de la mer. Aucun acte de mutation de propriété n'a jamais mentionné l'existence des 5à pas du Roy. Par contre en Guadeloupe, une ordonnance royale du 9 février 1827 classe cette zone dans le « domaine public national » et la définit comme un bien national « inaliénable » et « imprescriptible », mais en 1827 Saint-Martin ne fait pas partie de la Guadeloupe, et cette ordonnance ne s'y applique pas. Même après l'intégration de D Saint-Martin au département de la Guadeloupe en 1946, l'Etat a toujours perçu sur cette zone les droits de cession, de succession et les autres taxes foncières de la art des propriétaires saint-Martinois.2

Le décret du 21 mars 1882 autorisait la délivrance aux occupants de terrains à bâtir de titres de propriétés « définitifs et incommutables » et l'octroi sur les terrains non bâtis de « concessions irrévocables », cette zone devenait ainsi « prescriptible » en Guadeloupe.2

Le décret n° 55-885 du 3à juin 1955 ne visait qu'à l'unification du statut de la zone des 50 pas dans les DOM, et n'étendait nullement l'existence de la zone à d'autres territoires, notamment pas à Saint-Martin.2

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1 Revus COGITO, N° 4 Fév 1979, Histoire du Peuplement de Saint-Martin par Danilla JEFFRY
2 Communique de Presse de l'Association de Saint Martin "Les 50 Pas", Janvier 1998.

Daniella JEFFRY
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