Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Madame la Député de Saint-Martin et Saint-Barthélemy,
Monsieur le Sénateur de Saint-Martin,
Mesdames, Messieurs les Vice-présidents, membres du Conseil exécutif et élus du Conseil territorial de Saint-Martin,
Mesdames et Messieurs les représentants des Corps constitués,
Messieurs les présidents de la CCISM et du CESC,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations socioprofessionnelles locales,
Chers amis, Bonjour à tous et bienvenue à l’hôtel de la collectivité.
Monsieur le Premier ministre, au nom de tous les Saint-Martinois, soyez le bienvenu sur notre territoire.
Je tiens, tout d’abord, à vous remercier sincèrement pour votre venue parmi nous.
Je tiens également à saluer les ministres qui ont fait le déplacement à vos côtés, en particulier la Ministre des Outre-mer, madame Annick Girardin, qui était sur le terrain avec nous, quelques heures à peine après l’ouragan.
Nous sommes d’autant plus sensibles à votre visite, que les déplacements de Premiers ministres sur le sol saint-martinois sont rarissimes, et que la vôtre intervient à un moment crucial de notre histoire, puisque nous venons de traverser, bien malgré nous, une catastrophe naturelle sans précédent sur le territoire français.
Sous votre impulsion, M. le Premier ministre, les services de l’Etat, la Gendarmerie, l’Armée ont fait un travail formidable dans des conditions âpres et difficiles. Je veux les remercier ici pour leur engagement.
Merci aussi de me permettre, aujourd’hui, d’être la voix et l’écho du peuple de Saint-Martin, nos compatriotes, vos compatriotes...
J’évoquerai ici, très brièvement, leurs attentes, leurs doutes, leurs espoirs...
Permettez-moi, en premier lieu, de rappeler la situation critique de mon île, et de rétablir quelques réalités...
Je dirais même quelques vérités, car, notamment faute de statistiques de l’INSEE, Saint-Martin, est peu connue, et peu reconnue. C’est pour cela que je réitère ma demande, déjà formulée quand j’étais député, d’installer dès l’an prochain une antenne de l’INSEE sur notre territoire...
Car Saint-Martin et les Saint-Martinois souffrent de nombreux clichés, et beaucoup d’idées reçues, parfois blessants, qui nous empêchent d’avancer. J’espère que cette demande sera enfin entendue, car c’est une attente forte et légitime qui permettra de mieux connaître les réalités locales.
Alors que nous sommes aux avant-postes de la France face au monde américain, caribéen et anglo-saxon, nous avons parfois la désagréable impression d’être punis pour ce que nous sommes : un petit territoire qui vient de subir l’un des pires cataclysmes climatiques de l’Histoire.
Si la vie reprend, la situation est encore critique.
Huit mois après mon élection à la tête de ce Territoire, ma situation est singulière : J’ai hérité de problèmes, mais je disposais jusqu’ici d’outils pour les résoudre. Aujourd’hui, ces problèmes existent toujours, d’autres se sont ajoutés... Mais les outils n’existent plus.
Là où certains avaient des rêves, moi j’ai eu très tôt une vision pour mon territoire. Malgré les difficultés, je suis convaincu que nous sommes devant une formidable opportunité de pouvoir redessiner notre avenir commun.
Voilà pourquoi, j’ai fait miens les mots du Président de la République, et j’ai « bousculé les procédures » au niveau local. Notamment en matière fiscale, en dégrévant la taxe foncière pour donner un bol d’oxygène à nos entreprises, ou encore en matière d’urbanisme, dont je le rappelle nous avons la compétence, en modifiant les règles pour accélérer notre reconstruction.
J’ai tenu à regrouper toutes ces mesures dans un plan de relance, « le Plan Phoenix », pour la relance économique et sociale de Saint-Martin.
Notre territoire bénéficie d’atouts considérables et d’un potentiel touristique exceptionnel. Je n’ai qu’un objectif : redonner aux Saint-Martinois l’espoir d’un territoire innovant et prospère.
En attendant, vous avez pu avoir, ce matin, un aperçu de l’ampleur du désastre. J’ajouterais un aspect inquiétant, qui ne se voit pas : Saint-Martin s’est vidée d’une partie de ses forces vives.
Environ 7 000 personnes auraient, en définitive, quitté l’île. A l’échelle nationale, cela représenterait un exode de plus de 12 millions de Français. Soit la région Ile de France, comme rayée de la carte !
D’autres talents risquent encore de nous quitter si l’espoir ne revient pas, si l’économie ne repart pas... Travailler sur l’attractivité de Saint-Martin, pour faire revenir, et venir, les compétences, du public comme du privé, constituera donc pour moi une impérieuse nécessité ! J’espère y parvenir avec votre soutien.
A présent, je reviendrai très rapidement sur quelques réalités concernant le territoire, car les faits sont têtus...Je les ai énoncées à Cayenne, lors de la XXII ème Conférence des Présidents des RUP ; je les martèle à nouveau...
• On dit que Saint-Martin est un territoire riche (et de riches), n’ayant nullement besoin de la solidarité nationale : c’est faux ! :
o Saint-Martin est la troisième collectivité la plus pauvre de France, après Mayotte et Wallis et Futuna : en 2010, le PIB par habitant y atteignait 47 % de la moyenne hexagonale. Moins qu’en Guyane.
o Cette pauvreté structurelle va être aggravée, hélas, par les conséquences du cyclone : entre 2 000 et 3 000 personnes sont, encore aujourd’hui, en état d’urgence sociale absolue, sans ressources et sans toit...
• On dit que Saint-Martin est une île d’assistés :
o Mais sait-on que, compte tenu de la situation géopolitique inédite du territoire, les prestations sociales servies à Saint-Martin contribuent surtout à alimenter les économies des pays et territoires avoisinants ? Alors qu’elles ont vocation non seulement à venir, légitimement, en aide à nos habitants démunis, mais aussi à irriguer l’ensemble de notre territoire meurtri...
o Nous souhaitons donc que le financement du RSA soit repris par l’Etat l’an prochain, comme en Guyane et à Mayotte. Nous voulons aussi procéder à la dématérialisation de cette prestation (à l’instar de l’aide d’urgence proposée par le Gouvernement, et je remercie le Préfet GUSTIN pour son soutien dans ce dossier, et la Préfète Anne LAUBIES pour son accompagnement). Je souhaite que ces sommes soient dépensées sur place, et contribuent à faire repartir l’économie ! C’est une question de bon sens que je défends depuis l’origine. C’est aussi une question de survie pour nos finances en détresse, et une preuve de bonne utilisation des deniers publics.
Dans ce contexte, et en second lieu, je souhaiterais à présent vous exposer en quelques mots ma vision de la situation de Saint-Martin :
Aujourd’hui, l’urgence absolue, alors que de nombreuses personnes vont se retrouver sans emploi, et bientôt sans ressources, c’est tout simplement de permettre à nos socio-professionnels de survivre, pour pouvoir se relever au plus vite.
Car je n’accepterai pas -et la population, patiente, résiliente mais désormais au bord de l’explosion sociale, n’acceptera pas !- d’avoir le choix entre le chômage et l’exil... Si, dans quelques semaines, nous nous retrouvons avec 4 jeunes sur 5 sans emploi, le pire peut survenir !
Nous pouvons encore l’éviter. Le Président de la République avait annoncé à Saint-Martin, le 12 Septembre dernier, sa volonté de « bousculer les procédures et les délais » pour la reconstruction de Saint-Martin. Le volontarisme présidentiel doit donc, plus que jamais, surmonter les blocages bureaucratiques et comptables. J’ai confiance, et espère que des solutions ambitieuses seront trouvées...
Car se limiter au droit commun reviendrait à méconnaître les réalités concrètes, et très inquiétantes, de la situation de nos socio-professionnels, lesquels ont fait preuve, jusqu’à présent, d’une admirable retenue, y compris en matière d’exposition médiatique.
A moyen terme, pour reconstruire Saint-Martin, il faudra « marcher sur ses deux jambes » : utiliser optimalement les crédits publics et attirer efficacement les investisseurs privés.
Mais on ne peut pas, décemment, nous priver des uns au nom de considérations comptables, et faire fuir les autres au nom d’une réglementation tatillonne et inadaptée.
Et je ne parle pas que des administrations : force est de constater que certaines compagnies d’assurance et certaines banques, non plus, ne « jouent pas le jeu ».
J’entends même dire que certains organismes de réassurance considéreraient Saint-Martin - une collectivité territoriale de la République ! - comme un « territoire à risque ».
D’une part, nous attendons toujours, deux mois après la catastrophe, l’engagement de l’Etat.
Nous avons eu, certes, droit à de la sympathie et à de la compassion ; dit autrement, nous avons eu les mots d’amour, nous attendons encore les preuves d’amour...
Pour nous, à Saint-Martin, la solidarité nationale n’est pas un « gros mot », et doit prévaloir.
Dans les circonstances présentes, aucun effort de reconstruction ne sera opérant et viable sans un retour pérenne de la sécurité des biens et des personnes.
Ce qui implique, non seulement le maintien des effectifs des forces de l’ordre à un haut niveau (et je remercie le Premier ministre de m’avoir apporté des assurances en ce sens), mais aussi, et surtout, la sauvegarde de la cohésion sociale, actuellement minée par le chômage de masse qui se profile, faute de concrétisation des engagements ébauchés sur le chômage partiel ou sur les exonérations de charges.
Nous attendons donc toujours un engagement ambitieux et déterminé de l’Etat en matière d’investissements publics.
La reconstruction et la renaissance de mon île en dépendent. L’effort budgétaire de la Nation que nous appelons de nos vœux sera, à l’échelle du budget de l’Etat, minime ; alors que pour nous, il sera déterminant. Je dirais même vital.
Cela sera particulièrement le cas en ce qui concerne la reconstruction des bâtiments scolaires : la Collectivité, faute d’activité économique et de recettes fiscales, n’aura pas les moyens de reconstruire, et je refuserai, à la rentrée prochaine, de laisser les élèves saint-martinois dans des bâtiments « provisoires » destinés, faute d’engagement de l’Etat, à durer...
Vous l’avez redit et montré, l’avenir de nos enfants est une priorité de la Nation : j’espère que l’Etat nous aidera à réussir ce noble défi.
D’autre part, une économie prospère, tirée par l’essor du secteur privé, implique le retour du goût du risque, de l’envie d’entreprendre...
Mais force est de constater que la réglementation et les lourdeurs administratives découragent bien souvent les volontés et les talents.
Nous voulons donc que l’Etat s’engage à accompagner la Collectivité pour la réalisation de projets structurants et porteurs de ressources afin de lui garantir une plus grande autonomie financière, notamment à travers la fiscalité dont elle a la compétence : on s’inscrit ici dans une logique « gagnant/gagnant ».
Pour résumer la situation, nous assumons nos responsabilités, nous assumons nos compétences. Nous assumons même les erreurs de nos prédécesseurs, comme vous, M. le Premier ministre !
Mais, pour bâtir l’avenir, en partenariat avec l’Etat, nous avons besoin de soutien et de considération, sans lesquels nous ne parviendrons pas à surmonter cette épreuve inédite.
Dit autrement, nous ne sommes pas des « mauvais élèves » ou un territoire de « voyous », qui serait condamné à subir une tutelle, pas même bienveillante de surcroît ! NON !...
Nous sommes une Collectivité de la République, dont les habitants veulent être écoutés, entendus et respectés.
Bien entendu, M. le Premier ministre, la confiance n’exclut pas le contrôle. Alors soit ! Que l’Etat se donne lui-même les moyens, budgétaires et humains, d’assurer ici ses missions de contrôle, comme dans tout territoire français.
Qu’il nomme ici, enfin ! un préfet de plein exercice !
Qu’il renforce les effectifs de la Préfecture en matière de contrôle de légalité !
Qu’il installe ici des services déconcentrés qui n’existent toujours pas, dix ans après notre accession à la qualité de Collectivité de plein exercice !
Qu’il assume sa compétence en matière de contrôle de l’immigration !
Qu’il renforce les effectifs de la DIECCTE, et plus globalement du Service Public de l’Emploi !
Qu’il installe à Saint-Martin, au moins provisoirement, une antenne de LADOM et de la BPI.
Il trouvera alors toujours, à ses côtés, un partenaire, certes exigeant, mais loyal, volontaire et sérieux. L’Etat pourra compter sur la Collectivité, ses élus, ses agents. Là encore, dans les jours et semaines à venir, je ne lâcherai pas, ne désespérerai pas, et ne manquerai pas de vous adresser, encore, des propositions d’amélioration...
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Voilà, en quelques mots, les attentes de nos concitoyens de Saint-Martin, mélange d’optimisme, d’espérances mais aussi, je dois l’avouer car le temps presse, d’inquiétudes de ne plus être considérés comme une priorité de la Nation...
Certaines avancées sont intervenues grâce à vous, M. le Premier ministre ; d’autres, tout autant nécessaires, sont attendues dans les prochaines semaines.
Nous voulons, avec votre soutien mesdames et messieurs les Ministres, reconstruire « vite et mieux », comme a dit le président Macron, en valorisant notre jeunesse et en promouvant l’innovation : Saint-Martin, avec les outils dédiés, a ainsi vocation à devenir une terre d’excellence.
Je serai donc heureux de poursuivre, avec vous, à l’issue de ce déplacement, le dialogue républicain, cordial et vigilant que j’ai engagé, voici un peu plus de huit semaines dans les circonstances que nous savons, avec un cap clair : défendre, sans outrance mais sans faiblesse, les intérêts de nos concitoyens pour que Saint-Martin revive, se relève et se développe dans la concorde et la prospérité...
J’en ai la volonté, j’en ai la vision. J’en aurai les moyens.
On nous dit depuis deux mois que certaines demandes ne sont pas possibles, en tout cas pour Saint-Martin... Je pense à un chômage partiel non plafonné au SMIC et à la création d’une ligne budgétaire spéciale pour reconstruire nos écoles... comme l’a obtenu la Guyane.
Pourtant l’art de la politique, c’est justement de rendre possible ce qui est nécessaire.
Or, après ce désastre sans précédent dans l’histoire de France, la reconstruction de l’île s’avère plus nécessaire que jamais. Nous n’avons pas le choix, et sommes tous condamnés à réussir.
J’ai donc bon espoir que nous continuerons à avancer ensemble pour reconstruire Saint-Martin, dans l’intérêt suprême de tous les Saint-Martinois.
Je vous remercie.