
Une naissance difficile, une histoire douloureuse
La Réserve Naturelle a été créée par décret ministériel le 3 septembre 1998, après 10 années de travail fourni par l'association "Action Nature". "C'est le temps nécessaire pour créer une Réserve Naturelle, précise Nicolas, même si c'est vrai qu'ici, l'idée de protection de l'environnement et de conservation a été mal perçue dès le départ. Les études menées sur le terrain sont longues pour comprendre l'écosystème, savoir ce qu'il faut protéger, et déterminer si la conservation - qui comporte beaucoup de contraintes - a une réelle utilité."
Et l'utilité ne fait aucun doute. Le tourisme de masse, si bénéfique pour l'économie, s'avère être une catastrophe écologique dans tous les pays du monde et Saint-Martin ne fait pas exception à la règle : il fallait à tout prix le réglementer et l'encadrer. De nombreuses espèces animales protégées sont en danger : les tortues, les dauphins, les globicéphales tropicaux (sortes de petites baleines), les lambis ou encore l'iguane des petites Antilles qui a tendance à disparaître au profit de l'iguane d'Amérique du Sud. Certaines espèces végétales sont également en voie de disparition, comme le gayak, (aujourd'hui intégralement protégé) ce bois d'une solidité incomparable servant à fabriquer des bateaux, et qui recouvrait jadis tout Saint-Martin.
"Les commerces et habitations ont transformé les baies de Marigot, Sandy-Ground, Grand-Case et la Baie Orientale, poursuit Nicolas. L'idée était de protéger le peu qui restait."
Il y a dix ans, lors de la création de la réserve, l'idée ne faisait pas l'unanimité et le contexte social et culturel restait relativement tendu.
Une lutte acharnée pour la protection de la Réserve
Une fois la Réserve Naturelle créée, le travail est loin d'être terminé : en fait, il ne fait que commencer... Nicolas Maslach n'arrive à Saint-Martin qu'en 2001, après avoir répondu à un appel d'offre international pour prendre la place de directeur-conservateur de la Réserve. "Quand la Direction Régionale de l'Environnement Guadeloupe m'a annoncé que j'étais pris, raconte Nicolas, elle m'a également prévenu d'emblée que ce serait difficile. Elle avait raison."
Ses 4 premières années à la tête de la Réserve sont loin d'être une partie de plaisir. Il est alors le seul employé de la Réserve, et faire respecter la réglementation s'avère particulièrement difficile. Un événement contraint même Nicolas à fermer les bureaux en raison d'une manifestation populaire. "J'étais juste intervenu auprès de personnes qui faisaient des travaux au bulldozer au sein de la Réserve, explique-t-il."
À cette époque, le conservateur ne reçoit que très peu de soutien. A l'exception de quelques journalistes locaux qui défendent la Réserve Naturelle dans des articles de presse, il est seul. L'Etat, sensé protéger sa mission, est le grand absent. Lors d'une assemblée générale des Réserves Naturelles de France, il plaide sa cause. "La conservatrice de la Réserve de Kaw, en Guyane, était dans le même cas que moi. « Malheureusement l'avenir lui a donné raison, 2 des gardes d'une réserve de Guyane ont été assassinés depuis" ajoute Nicolas.
Il est enfin entendu, et une motion est émise, signalant que "à Saint-Martin et en Guyane, l'État n'assume pas ses compétences". La presse nationale relaiera cette motion.
Nicolas tient bon, et sa résistance finit par payer. Le Lions Club et le Rotary se mobilisent et lui apportent le soutien humain et financier dont il avait besoin. "Ce sont les premiers à m'avoir sollicité, poursuit Nicolas. Mon travail commençait à être reconnu, donc respecté."
Les accomplissements en 7 ans de travail
• L'affectation au Conservatoire du Littoral des espaces classés
C'est la première grande victoire de Nicolas Maslach : faire venir le Conservatoire du Littoral à Saint-Martin et le convaincre de s'approprier les espaces classés Réserve Naturelle. "Avant cela, explique le directeur, nous gérions ces espaces pour le compte de l'État : c'est une protection en soi, mais ce n'était pas suffisant, nous avions besoin du conservatoire qui est un outil formidable pour toutes les collectivités et notamment celles de l'Outre-Mer."
• L'arrêté de biotope protégeant les étangs
C'est à l'unanimité et grâce au travail de Pierre ALIOTTI que le conseil municipal a pris l'arrêté confiant 14 étangs de Saint-Martin au Conservatoire et à la gestion de l'equipe de la Réserve Naturelle. "Cette protection est énorme, précise Nicolas, mais elle est difficile à faire respecter, surtout avec nos effectifs."
• La taxe sur les passagers maritimes
Difficile à faire accepter au départ, cette redevance a été mise en place avec le soutien de METIMER. Elle concerne les exploitants commerciaux transportant des passagers maritimes. Pour chaque passager transporté dans la Réserve Naturelle, cette dernière touche 1,52 euro.
• 20 panneaux signalant la présence de la Réserve
Tout le littoral a été balisé pour signaler les zones protégées. "Malheureusement, ils ont pratiquement tous été arrachés ou détruits, nous dit le conservateur. Mais c'est le cas partout ailleurs. Nous en remettrons d'autres ! Renouveler le matériel fait partie de la vie d'une Réserve Naturelle. Le vrai problème dans cette histoire, c'est qu'on retrouve souvent des traces de balles sur les panneaux. Ce n'est pas rassurant en termes de sécurité pour les gardes de la réserve."
• La loi organique exclut la Réserve du domaine de la COM
"C'est en convainquant les députés et les sénateurs, et les conseillers municipaux de l'ancienne municipalité et grâce à Pierre Aliotti, que la Réserve Naturelle et la compétence de l'environnement ont pu rester du domaine de l'Etat, raconte Nicolas. Et cette motion a été adoptée la vieille de la promulgation de la loi créant la Collectivité."
Et dernièrement la mise en place des bouées de délimitation de l'espace marin de la Réserve Naturelle Nationale qui éclaire désormais et depuis aout dernier les frontières de la réserve.
• Être toujours là, et être institutionnalisé
"La Réserve revient de loin, s'explique Nicolas. Quand je suis arrivé, on ne donnait pas cher de ma peau ni de celle de la réserve." Il y a encore quelques années, la Réserve Naturelle constituait davantage une épine dans le pied qu'un outil de promotion et de conservation. Aujourd'hui, ses représentants sont partout, de toutes les commissions et réunions, y compris au Conseil économique et social, on les sollicite, on leur demande leur avis et leur soutien. Mieux encore, avec le développement de l'écotourisme, la Réserve Naturelle est même devenue un outil de promotion touristique...
• De 1 à 5 employés
Quand Nicolas Maslach est arrivé, il était le seul employé de la Réserve. Depuis peu, trois autres membres ont rejoint l'équipe : Franck RONCUZZI, au pôle technique et répression, Christophe JOE, garde de la Réserve, et Pauline MALTERRE nouvellement arrivée, au pôle scientifique et sensibilisation. Une ingénieure, Marion PEGUIN, (Volontaire Aide Technique du Conservatoire du littoral a également rejoint l'équipe de la réserve depuis le 3 novembre 2008 pour gérer notamment les dossiers d'aménagement des nouveaux projets du Conservatoire.
Les projets à venir
- La mise en place à Pinel d'un accueil du public avec la valorisation des sites du Conservatoire, un balisage et des panneaux indicatifs.
- L'installation d'un sentier sur pilotis dans la zone humide de l'étang de Cul-de-Sac. Ce sentier, de 250m de long, permettra de découvrir les richesses de la faune et la flore de la mangrove.
- La mise en avant du sentier botanique qui part de l'Anse Marcel jusqu'à Wilderness, avec notamment la mise en valeur des espèces végétales sur le site, dont certaines sont particulièrement rares, et donc protégées.
Pour le moment, l'équipe de la Réserve Naturelle va à l'essentiel et l'indispensable. "Dans les prochaines années, conclut Nicolas, certains comportements aux conséquences graves ne seront plus tolérés." Et déjà, il pense aux modes de transports de passagers utilisant les énergies solaire et électrique...