L'Article 1 précise "que les Français demeureront dans le quartier où ils habitent à présent, et habiteront tout le côté qui regarde l'Anguille."
L'Article 2 précise "que les Hollandais auront le quartier du fort et les terres qui l'entourent côté sud."
Lors de la signature du traité le 23 mars 1648, il apparaît que le contenu des Articles 3 et 5 ont représenté un aspect important de cette cohabitation: "Que les Français et les Hollandais qui habitent cette île vivront comme des amis et des alliés, et "Que la chasse, la pêche, les salines, les rivières, les lacs, les étangs, les bois de teinture, les mines et minéraux, ports et rades, et autres commodités de ladite île seront communs, et serviront pour subvenir aux besoins des habitants."
En fait, tout sauf le sol, devait appartenir en commun aux deux nations et être utilisé par les habitants de l'île. Cet article a façonné les coutumes particulières de cette île, qui peuvent être assimilées à la relation de jumeaux siamois, des corps séparés mais reliés par un lien majeur. Dans le cas de Saint-Martin, c'est un lien vital qui se reflète dans le fait qu'un habitant de cette île peut travailler et vivre sur l'une ou l'autre partie de l'île sans être illégal. Cette situation spécifique a été observée "de facto" tout au long de notre histoire.
Le dollar américain a été adopté par les insulaires comme la monnaie commune aux deux parties;.Les marchandises peuvent circuler d'une partie à l'autre sans contrôle. Saint-Martin vit une situation de "marché commun" depuis 1648 qui constitue un élément fondamental de ses lois coutumières, et en tant que tel, a fonctionné comme un commonwealth de nations et de peuples avec amitié et assistance d'une part, honnêteté et respect pour les coutumes de l'île, d'autre part. Cependant, bien que l'Article 7 précise que les habitants se porteront mutuellement assistance en cas d'attaque ennemie, il y eut des occasions de rivalité entre les deux parties pour des raisons économiques, et des divergences politiques ou religieuses ont momentanément troublé l'amitié entre les deux parties.
Néanmoins, l'esprit du Traité a toujours prévalu, et en de nombreuses circonstances, lors des attaques des Anglais, les habitants d'un côté pouvait trouver refuge de l'autre côté. En réalité le non-respect de l'Article 7 provenait essentiellement d'un désir de la part des Hollandais de se protéger, ainsi que leurs possessions, contre les invasions des Anglais sur la partie française. Le Fort Louis était en mauvais état et il n'y avait pas de garnison pour protéger les habitants. Par conséquent, le non-respect de l'article 7 ne peut être considéré comme une violation du Traité mais plutôt comme la volonté délibérée de protéger l'île entière.
Le Traité de 1648 n'est pas simplement un document administratif, ni un symbole, puisqu'il constitue le fondement des lois coutumières qui ont réglementé la vie des habitants tout au long des années. Avant les années 1980, nous étions une société sans voleurs, sans mendiants et sans meurtriers. L'île était propre et les habitants sympathiques. C'est la raison pour laquelle le slogan "Friendly Island" a symbolisé la convivialité des habitants de cette île aux deux nations.
Nous étions une société
- où la générosité a joué un rôle important: il y avait toujours quelqu'un pour vous donner quelque chose dont vous aviez besoin;
- où la solidarité était une qualité fondamentale: chacun était le gardien de l'autre. Tout le monde protégeait son voisin. Les maisons ne se fermaient pas à clé et les clés de la voiture ne servaient qu'à démarrer le moteur.
- où le sens communautaire engendra un sentiment d'assistance mutuelle: le "coup de main", par lequel les amis et la famille aidaient à construire la maison familiale le dimanche et les femmes préparaient les repas pour la journée, était une pratique courante;
- où l'honnêteté complémentait nécessairement la générosité, la solidarité et le sens communautaire;
- où la tolérance a fait de notre société la société la plus cosmopolite de la Caraïbe sans conflits sociaux et raciaux;
- où le respect mutuel créait une atmosphère conviviale qui dominait les relations entre les deux parties de l'île.
Voilà comment les Saint-Martinois ont vécu pendant plus de trois cinquante ans sur cette île: un climat de paix sociale. Le Traité de 1648 a servi à façonner la société de notre île.
Daniella JEFFRY
06.11.08